mercredi 28 novembre 2007

Asie et démocratie

Mes activités professionnelles me mènent régulièrement vers l'Asie : Chine, Singapour, Japon, Malaisie, Australie. Cela fait donc plusieurs années que je travaille dans un environnement asiatique.

J'ai donc pratiqué des pays démocratiques ou non et ce qui me frappe le plus, c'est que la politique en général n'est absolument pas au coeur des préoccupations des gens. De même pour les sujets de société en général.

Il semble que le bien-être matériel soit actuellement la seule préoccupation apparente, ainsi que la performance au travail. Les asiatiques font des horaires indécents, y compris les femmes mariées avec des enfants, commençant à 8h et finissant après 20h00 avec 2,3 heures de transport par jour et du travail quasiment tous les weekends.

L'occidentalisation de la société est très différente d'un pays à l'autre : à Singapour, elle est réelle, le mode de vie est très occidentalisé en apparence, mais le management asiatique, s'il se teinte petit à petit de pratiques occidentales, reste asiatique et pour nous semble un peu archaïque, ce qui contraste avec l'image que le pays veut donner. En Chine, on atteint le comble de l'ultra-libéralisme où la seule valeur qui compte semble être l'argent, le travail et la performance. Pour un pays supposé communiste, c'est réellement hallucinant.

Au Japon, c'est le collectif qui compte et il se traduit très souvent par le sacrifice de la vie personnelle reléguée au second plan en apparence. Par exemple, un cadre ne parle absolument jamais au travail de sa femme ou de ses enfants. Par contre, il semble que cet engagement total soit au service du collectif et non du bien-être matériel et individuel. Comme en Europe, l'argent n'est pas la valeur phare (contrairement à la Chine), c'est plutôt la réussite de la société pour laquelle on travaille, de l'esprit de corps et de groupe que l'on met en place dans une équipe de travail. Pour moi, les valeurs du Japon ne sont pas ultra-libérales et contrairement à la Chine ne sont pas non plus ultra-individuelles.

Dans tous ces pays, y compris au Japon, la démocratie n'est pas une priorité.

Au Japon, certes la démocratie a été imposée par les américains après la guerre. Mais ce qu'il faut savoir est que le parti principal a été au pouvoir depuis 1945 sans discontinuer (à part une brève interruption non significative de quelques mois dans les années 90).
Au Japon, le consensus (apparent ou réel) est la valeur première. Faire perdre la face à quelqu'un est considéré comme une défaite à la fois pour celui qui la perd ou celui qui la fait perdre à l'autre. Dans une réunion, si une personne sort évidemment perdante d'une discussion ou d'une négociation, les deux parties sont perdantes.
Or la démocratie est avant tout synonyme d'élections avec un gagnant et un perdant, ce qui va complètement à l'encontre de la philosophie et de l'organisation de la société japonaise. C'est la raison pour laquelle la démocratie japonaise n'est pour moi qu'une façade, quelque chose qu'ils appliquent car cela leur a été imposé par les européens.

Dans le reste de l'Asie, c'est souvent le même principe, avec des subtilités différentes. A Singapour, nous avons une dictature très éclairée fondée sur la performance de leurs dirigeants mais c'est le même principe : le pouvoir est au service de la performance économique et du bien-être matériel quasiment exclusivement.

En Chine, ce pays communiste est le grand champion de l'ultra-libéralisme. Shanghai, c'est la défense puissance 10. A perte de vue. Les conversations ne tournent strictement que autour de la performance, de la carrière. Singapour et Shanghai semblent apparemment se complaire dans un vide culturel assumé et une "américanisation" apparente.

mardi 13 novembre 2007

Un grand parti de gauche

Ségolène Royal a dit hier sur France Inter qu'elle souhaitait la création d'un grand parti de gauche qui rassemblerait de l'êxtrême gauche au centre gauche : Bravo !

Je ne suis pas forcément un grand fan de Ségolène Royal, mais ceci me paraît une évidence et c'est tout à fait le sens des messages que je publie sur ce blog.

Il faut aller de la gestion à l'utopie, il faut toutes ces composantes, en expliquant dès le départ que certains courants seront des viviers d'idées, des aiguillons qui nous rappellent la voie générale à suivre sur le court, moyen ou long terme.

Mieux vaut avoir un curseur, le défendre et expliquer comment on va le faire évoluer vers la gauche que pas de curseur du tout.

D'une part, ceci rassemblera un grand nombre d'électeurs qui pourront se rassembler sur des idées générales communes.

Depuis quelques années, la base électorale du parti socialiste s'est considérablement rétrécie car le parti socialiste a été obsédé par la synthèse. A trop vouloir faire la synthèse, on coupe les idées un peu à gauche, on les coupe un peu à droite et la taille de l'arbre diminue. On perd les électeurs d'extrême gauche qui repartent vers les Besancenot et on perd les électeurs du centre car on n'ose pas dire que l'on partage certaines de leurs idées de centre en matière économique.

François Hollande est responsable de cet état de fait.

En ne se positionnant ni comme celui qui veut construire une société socialisté afranchie du libéralisme, ni comme un gestionnaire qui embrasse le capitalisme, il a laissé planer des idées molles, sans saveur forte qui finalement ne satisfont personne.

Il est possible de dire à la fois "l'argent corrompt" et "le capitalisme est aujourd'hui le seul moyen qui permette de satisfaire le plus grand nombre".

Instant et Universel

Un point qui me frappe : la gauche est dans l'universel et la droite est dans l'instant.

En effet, les valeurs de la gauche font qu'elle se positionne toujours par rapport à des valeurs universelles : égalité, fraternité, etc... ce qui exclut nécessairement certains qualités de gestionnaire. La gauche n'est pas gestionnaire, n'est pas dans la réalité immédiate. C'est partiellement pour cela qu'elle est souvent considérée comme moins apte à gérer un pays sur le plan économique.

La droite est gestionnaire, elle gère le présent, l'immédiat ou le moyen terme. Elle met donc toute son énergie à être crédible sur cette gestion et c'est souvent ce qui lui fait gagner les élections alors que la gauche est perçue comme utopiste et que ce qu'elle prône, même si partagé, n'est pas considéré comme faisable.

Si les actions de la droite améliorent le bien-être commun, c'est une conséquence heureuse mais ce n'est pas forcément le but premier.

On reproche donc souvent à la gauche d'avoir de "grandes idées" qui sont soit déconnectées de la réalité, soit à ses dirigeants de ne pas vivre ou se comporter en fonction de ces idées. Tel dirigeant peut être fortuné alors qu'il prône l'égalité (gauche caviar), tel dirigeant peut être moralisateur, alors qu'il manoeuvre pour obtenir ou garder le pouvoir. Dans la lutte de pouvoir, la gauche ne peut qu'être perdante car les qualités mêmes nécessaires pour atteindre le pouvoir sont des qualités qui sont intrinsèquement décriées par la gauche.

Comment concilier le tout ? Comment peut-on concilier universel et immédiateté ?

En assumant ses fonctions de gestionnaire, en se réconciliant avec l'économie et en en mesurant patiemment, systématiquement, méthodiquement les avancées obtenues pour les "redistribuer" dans le sens des valeurs de gauche.

C'est en affirmant aux électeurs que l'ordre des choses commence par une gestion efficace réconciliée avec l'entreprise et ses dirigeants puis une évaluation systématique, nationale et réelle des avancées que la gauche pourra gagner les élections.

En effet, on ne lui reprochera plus d'être dans l'angélisme des idées généreuses mais inapplicables et on ne lui reprochera pas non plus de générer des richesses et de les garder pour un petit nombre.

Quand la gauche a été gestionnaire mais n'a pas mis de système de surveillance des avancées, elle est devenue la gauche caviar et a perdu son identité et une partie de son électorat très à gauche (les déçus du socialisme).