mardi 8 avril 2008

Q1. Comment en sommes-nous arrivés là ?

Les discours idéalistes et romantiques des français par rapport à des pratiques efficaces et "pragmatiques" des anglais ont commencé très tôt.

Dès la guerre de cent ans, les modes de combat préfigurent déjà la différence d'approche entre la France et l'Angleterre, entre une recherche avant tout de l'efficacité destructrice et une approche romantique où le style est plus important que le résultat.

Ensuite, c'est la notion d'égalité qui est mise en avant avec Roussseau (discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes) et le siècle des Lumières qui, entre autres avancées, permet d'établir que l'égalité est assez incompatible avec la propriété, que la recherche de la propriété est souvent synonyme d'inégalité. Le siècle des Lumières marque le début de la gauche moderne, avec un refus de l'aliénation (religion, propriété, dépendance vis à vis du maître). Si la liberté est également mise en avant, elle est plus considérée comme la possibilité de bénéficier de droits fondamentaux (logement, etc..) qu'en tant que liberté d'entreprendre et donc comme ferment du libéralisme.

Cette spécificité française se perpétue bien sûr avec la révolution française qui est l'application des principes des Lumières, avec l'abolition des privilèges, le suffrage universel. Même si la révolution française est avant tout bourgeoise, elle puise ses idéaux dans les idées du siècle des Lumières.

Alors que la France passera plus ou moins à côté de la Révolution industrielle anglaise et restera jusqu'au 20ème siècle très rurale, la progression des idées de gauche continuera pour culminer avec le front populaire, puis avec l'arrivée au pouvoir de François Mitterrant en 1981.

Le programme de François Mitterrand était clairement anti-capitaliste. Son discours était alors en phase avec la réalité du programme : relance par la consommation, nationalisations.

Parallèlement, exactement l'inverse se produisait dans la monde anglo-saxon avec l'apparition de la révolution ultra-libérale et l'arrivée au pouvoir de Ronald Reagan aux Etats-Unis et de Margaret Thatcher au Royaume Uni. L'idée était bien sûr de limiter le rôle de l'état pour favoriser la libre entreprise, d'accélérer la financiarisation de l'économie pour favoriser les entreprises quitte à limiter les services publics jugés gourmands et peu efficaces. Le marché pourrait rétablir la situation des marchés publics déficients grâce à une économie florissante. La précarisation de la société est passée sous silence car elle menace la flexibilité du travail, condition indispensable de l'agilité et de la bonne tenue des entreprises confrontées à la concurrence international.

On connait la suite : un certain succès apparent du modèle libéral et un revirement nécessaire de la politique de gauche en France vers la rigueur avec Delors à partir de 83.

C'est à partir de ce moment-là que le discours de la gauche a été de plus en plus difficile à exprimer : alors que les idéaux de 81 étaient encore très présents, il fallait entamer un virage à droite dans la politique économique. Ce virage, s'il était réel dans les actes, ne pouvait être présenté comme un tournant vers la sociale démocratie.

Ce grand écart a donc prévalu pendant les années 80 (les années fric) où le libéralisme a montré son efficacité et le discours de la gauche est devenu de plus en plus difficile à tenir. C'est l'époque des déçus du socialisme, de la gauche caviar.

Cette époque a culminé au début des années 90 avec la domination absolue des Etats Unis et du modèle libérale anglo-saxon. On a même parlé de la fin de l'histoire : modèle de société, de culture, d'économie, tout allait se conformer au modèle américain, rien ne pouvait y résister. La chute du communisme en était la preuve patente : le bonheur universel, tiré par le libéralisme économique et la culture hamburger allait triompher des vieilles lunes de la gauche.

Sous ses mauvais auspices, la gauche a perdu très lourdement les élections de 93, la récession post guerre du golfe ayant fait grimper le chômage en France à des niveaux historiques. Dès lors, la gauche a eu du mal à retrouver un discours cohérent avec ses actes : pour ne pas se couper de la gauche de la gauche, qui a compté un électorat de plus en plus important face aux premiers déboires de l'ultra-libéralisme a poussé certains à reprendre un discours très à gauche tandis que ceux qui avait du exercer le pouvoir étaient tentés par la sociale démocratie.

Afin de sauvegarder un électorat massif, le parti socialiste, avec François Hollande en tête n'a cessé de faire des synthèses molles : on a taillé l'arbre socialiste à gauche et à droite, on est devenus inaudibles, ne portant plus ni le réalisme économique ni l'utopie des premiers temps. On a sauvegardé un électorat tout en refusant de trancher ou de clarifier certains questions essentielles sur le socialisme ou sur le marché.

Le problème de cette attitude est qu'elle représente 30 à 45% de l'électorat et si elle n'est pas augmentée d'un peu d'affectif lors d'élections locales, elle ne permet pas de gagner les élections nationales lorsqu'il faut faire un choix de société, lorsqu'il faut décider de qui est le plus crédible sur le plan économique.

La gauche n'a pas su réinventer un idéal collectif, n'a pas su faire rêver les masses qui ont cherché le bonheur individuel en croyant faussement réaliser leur American Dream. Et faute d'American Dream, on est passé à la Star Academy où le succès passager d'une poignée fait oublier la pauvreté et la précarité d'un plus grand nombre. Donnez-leur des jeux.

Afin de s'assurer cet électorat, le discours s'est même affermi à gauche lors de la consultation sur la constitution européenne qui y inscrivait le capitalisme et la libre concurrence. Alors que la politique économique de Lionel Jospin était plutôt libérale (à part les 35h), les succès de la gauche de la gauche (présidentielles de 2002) ont fait perdre le premier tour à Jospin en 2002. Depuis on oscille entre une tentative de droitisation partielle sur certains sujets qui ont fait le succès initial de Ségolène Royal lors de la campagne de 2007 et un positionnement assez étrange à gauche d'éléphants comme Laurent Fabius.

Comment reconstruire un projet collectif ? Comment concilier réalisme économique et utopie socialiste ? Est-il encore possible de s'opposer au règne absolu de la propriété individuelle, de s'opposer aux inégalités en France et dans le monde ? Avec quelle progressivité sachant que l'on parle de très loin ? Est-ce que les déboires récents de l'ultra financiarisation de l'économie (subprimes) permettra d'ouvrir une petite porte à la remise en question de l'ultra libéralisme ? Est-ce que la montée de la précarité, l'augmentation de la précarité sont en mesure de remettre en cause un système si solidement implanté dans le monde ? Est-ce que la puissance financière des multinationales est désormais si importante que le retour en arrière sera extrêmement difficile, voire impossible ?

1 commentaire:

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